La déréglementation des entreprises, couplée à des attaques contre les droits européens protégeant les travailleurs et les syndicats, ne constitue en aucun cas la solution aux violations des droits humains et environnementaux. Au contraire, ces propositions risquent de compromettre des avancées législatives cruciales mises en place pour garantir une durabilité véritable, une concurrence loyale et une protection des droits sociaux.
L’Union Européenne Face à une Poussée de Déréglementation
Récemment, plusieurs organisations patronales ont exprimé leur volonté de déréguler les directives européennes en matière de durabilité des entreprises. Parmi les textes fondamentaux adoptés par l’UE, la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CS3D) est devenue la cible principale des attaques. Après les critiques lancées contre la directive sur le reporting en matière de durabilité (CSRD) et le règlement sur la déforestation, les entreprises s’attaquent désormais à la CS3D. Leur objectif : édulcorer, voire démanteler, un acquis social essentiel pour les travailleurs, la société et la planète.
Ces appels à la déréglementation visent à créer un vide juridique permettant aux entreprises, et particulièrement aux PME, d’échapper à leurs obligations de reporting et de diligence raisonnable. Pour la Confédération Européenne des Syndicats (CES), cette approche est non seulement inacceptable, mais elle porte un mépris évident envers les citoyens européens, les travailleurs et l’environnement.
Une Législation Issue de la Démocratie : Ne Cédons Pas à la Pression
La CES appelle à ce que la CS3D soit transposée sans délai par les États membres. Adoptée après un long processus législatif démocratique, cette directive est le fruit d’un travail intensif ayant duré plus de deux ans. Elle a été adoptée en avril 2024, après un consensus largement soutenu. Il est impératif que les entreprises, soutenues par certains États membres, cessent de déstabiliser cette législation, qui vise à assurer des conditions de concurrence équitables et durables pour les entreprises, la société et les travailleurs. De plus, la CS3D représente une avancée majeure en matière de sécurité juridique et de prévisibilité pour tous les acteurs économiques, en particulier pour les entreprises qui veulent investir dans la durabilité à long terme.
La CS3D : Une Directive qui fixe un minimum, Pas une régression
Contrairement aux affirmations des associations d’entreprises, la CS3D n’est pas particulièrement ambitieuse en termes de portée. En effet, bien qu’elle introduise des obligations minimales en matière de respect des droits humains, elle ne va pas aussi loin que le Principe directeur des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui appelle à une responsabilité de respect des droits humains pour toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, secteur ou pays d’opération. Le texte de la CS3D est un compromis, un minimum qui permet de garantir une base commune tout en laissant la possibilité aux États membres de renforcer les protections nationales.
La CS3D établit des obligations pour toutes les entreprises opérant sur le marché européen, y compris les grandes entreprises et les PME, afin d’éviter des pratiques commerciales nuisibles et une concurrence déloyale, que ce soit en Europe ou à l’extérieur du continent. Ces règles, en favorisant la durabilité des entreprises, cherchent également à garantir une transition juste vers la durabilité pour les travailleurs et la planète, dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
La Déréglementation : Une Fausse Solution
Les revendications visant à réduire les coûts administratifs et à alléger les obligations de reporting des entreprises sont, en réalité, des pressions visant à privilégier les intérêts privés au détriment de l’intérêt général. Ces demandes ignorent les impacts sociaux et environnementaux d’une telle déréglementation, qui seraient supportés par la société, les travailleurs et leurs familles. À court terme, cela pourrait entraîner des économies pour certaines entreprises, mais à long terme, les coûts sociaux et environnementaux seraient immenses.
En réalité, la CS3D représente un investissement stratégique dans les droits des travailleurs, la protection de l’environnement et la responsabilité sociale des entreprises. La directive vise à garantir un respect global des droits humains dans les chaînes de valeur mondiale, avec un impact positif sur la durabilité des entreprises. Les entreprises qui adoptent cette législation de manière proactive voient une opportunité de se positionner comme des leaders durables sur le marché mondial.
Une Législation Cruciale pour les Travailleurs
La CES souligne que les syndicats et les représentants des travailleurs doivent être impliqués de manière significative dans la mise en œuvre de la CS3D. En effet, l’engagement des travailleurs et des syndicats au sein des entreprises renforce leur résilience et favorise un environnement de travail plus stable et plus équitable. La directive encourage cette participation, ce qui est bénéfique tant pour les employés que pour les employeurs. La consultation et la coopération sont des moteurs essentiels pour garantir des pratiques commerciales équitables et prévenir les risques d’abus dans les chaînes d’approvisionnement.
La CS3D met également en lumière que les entreprises durables ont déjà commencé à adopter des pratiques volontaires de diligence raisonnable. Ces entreprises comprennent qu’un respect total des droits humains et des normes environnementales ne constitue pas seulement une obligation morale, mais aussi un avantage concurrentiel. Elles aspirent à un cadre juridique qui leur offre de la sécurité juridique et de la prévisibilité dans leurs activités commerciales.
Un Appel à Maintenir la CS3D
La CES et ses affiliés appellent donc fermement les États membres et la Commission européenne à maintenir et à mettre en œuvre la CS3D de manière ambitieuse. Il est crucial de garantir une transposition effective de cette législation dans tous les pays de l’UE, et ce, sans recul par rapport aux normes existantes. Le véritable défi réside dans la mise en œuvre effective de cette directive, avec l’implication active des syndicats et des acteurs sociaux.
En conclusion, les propositions visant à simplifier la réglementation en matière de durabilité des entreprises sous prétexte de réduire la charge administrative sont un danger pour les droits des travailleurs, l’environnement et la compétitivité à long terme. Au contraire, il est essentiel que la législation européenne en matière de diligence raisonnable bénéficie à tous les acteurs : travailleurs, entreprises et environnement. Les entreprises responsables doivent être soutenues, et non pas confrontées à des demandes de déréglementation qui risquent de mettre en péril les fondements mêmes de la durabilité.
L’UE doit maintenir un cadre législatif fort et ambitieux, pour que les droits des travailleurs, des syndicats et de la planète soient protégés dans un monde où la durabilité est plus essentielle que jamais.